A l'abri des regards. [Pv: Fredbear et Alcaline]

Cela faisait une semaine déjà qu'Alcaline était partie de chez Bowser. Elle errait sans réel but, squattant quelques jeux, esquivant la sécurité et la plupart des arcadiens afin de ne pas se faire renvoyer dans son jeu. Elle trouvait toujours le moyen de se recharger en douceur, et ne dormait jamais totalement, seulement un mode veille, afin d'être alerte et de ne pas se faire attraper. Elle n'avait rencontré que quelques fois la sécurité, et s'en était bien sortie, la première fois grâce à un mensonge malhabile mais suffisamment convaincant pour l'esquiver, les autres fois en ne se faisant pas repérer ou interroger.

Ce soir là, Alcaline n'avait pas trouvé de borne assez sûre pour y squatter, et devait donc séjourner dans la gare centrale. Ce n'était pas le meilleur des choix pour elle, car c'était ici que les risques se faire attraper étaient les plus grands. Bien heureusement, ses années passées dans Portal 2 lui avaient appris comment étaient placées les caméras de sécurité, comment elles fonctionnaient, et surtout comment bien se faufiler dans leurs angles morts. Ainsi, Alcaline avait su trouver une cachette qui n'était presque jamais surveillée par les gardes, et avait, au cas où, un plan de secours pour s'échapper. Elle s'y installa, son oeil tourné vers l'arrivée potentielle d'Arcadiens ou d'agent de la sécurité, et chercha ensuite une prise. Il n'y en avait bien sûr pas, et elle calcula le temps qu'il lui resterait avec les batteries qu'elle avait. C'était juste, et elle devrait se réveiller tôt à l'aube, dès l'ouverture des bornes, pour se fournir en énergie, sans quoi elle ne deviendrait qu'un ovale facilement capturable par la sécurité.

Elle se posa, activa son mode veille, laser activé afin de détecter l'arrivée d'un potentiel ennemi, et resta ainsi, angoissant silencieusement, croisant les circuits pour passer une nuit tranquille.

Le silence était pesant dans la gare, et fut troublé quelques minutes après par des bruits de pas. Ce n'était pas la première fois qu'Alcaline devait restait semi-éveillée à cause d'un trafic inattendu, et elle se contenta juste de s'enfoncer un peu plus dans sa cachette, et de se faire toute petite. Cependant, l'arcadien la repéra, et une alarme interne se déclencha chez Alcaline. Elle ne bougea pas, analysant la situation.

Première chose qu'elle put constater: aucun signe ostentatoire d'appartenance à la secte de la sécurité arcadienne. Cela fit descendre l'individu de deux échelons dans l'échelle d'évaluation de la dangerosité.

Deuxième chose qu'elle put constater: L'individu l'avait prit pour un objet inanimé, de la manière dont il s'approchait et sa remarque.

L'arcadien en question était une sorte de peluche d'ours doré plutôt grand selon les standards classiques des ours en peluche. Il lui rappelait un mauvais souvenir à la première et dernière fête à laquelle elle avait participé. De ce fait, elle le remonta dans l'échelle d’évaluation de la dangerosité.

La méfiance était donc de mise pour la survie d'Alcaline, et elle considéra les choix qui s'offraient à elle. Elle pouvait répondre à l'individu et lui signaler qu'elle était animée, pouvant ainsi espérer une aide de sa part, tel qu'un hébergement ou une recharge. Cela dit, elle ne connaissait pas la personne, et elle était déjà trop haut placé dans l'échelle d'évaluation de la dangerosité pour risquer de communiquer.

Elle pouvait également tenter de fuir, mais cette option était réservée à un cas d'extrême urgence, car mademoiselle Alcaline n'était pas une sprinteuse compétitive.

Il lui restait alors le poker. Si elle continuait à rester immobile, l'arcadien le prendrait pour un simple objet et continuerait sa route... Oui, mais... Et s'il voulait le prendre? Et bien soit, cela lui permettrait de se cacher dans son jeu... Oui, mais... Et si il le ramenait aux objets trouvés? Géré par la sécurité?

La voix de dame GLaDOS résonna dans sa tête, lui expliquant que quelque soit son choix, elle serait fichue, qu'il lui était impossible de faire demi-tour, qu'elle reviendrait dans son jeu. Mais... Non, il fallait tenter le compromis.

Elle se déploya et lança le jingle d'Aperture:


"Citoyen de l'arcade, la tourelle de sécurité #993842010 vous souhaite la bonne soirée. Veuillez ne pas entraver le champs de vision de la tourelle de sécurité #993842010. Une fois que vous vous serez décalé, la tourelle de sécurité #993842010 sera capable d'accéder à votre requête. Citoyen de l'arcade, veuillez formuler votre requête."

Elle garda un ton monocorde, comme elle l'avait appris à la sélection des tourelles à Aperture, et garda son circuit froid. Enfin, c'est ce qu'elle laissait paraître, mais elle manquait à tout moment de laisser sa voix dérailler et trahir son angoisse.

Alcaline avait tenté de mentir, mais la réponse de l'ours en peluche lui indiquait clairement que c'était un échec, et qu'elle avait été repérée comme n'étant "pas à sa place". Tout cela se traduisait ainsi: Elle avait été démasquée comme étant une dangereuse hors-la-loi, et qu'il allait appeler des renforts pour tenter de la neutraliser. A ces pensées, elle perdit son faux calme et se mit à trembler comme face à un prédateur l'ayant acculée.

La fuite ne servirait sans doute pas, car les renforts viendraient de toutes parts et qu'elle serait cernée. Mais peut-être pouvait-elle marchander...

"Vous-vous m'avez démasquée... Par pitié ne me dénoncez pas! Je... Je ferai tout ce que vous voudrez, mais ne me-ne me dénoncez pas! Je ne veux pas finir d-dans l'enfer des droïdes! Je... Je peux être utile! Je... Je sais chanter, et, euh... Je... Je... Je suis utile! Pitié!"

Paniquée et bégayante, se raccrochant au dernier espoir, l'espoir de pitié de son prédateur, tandis qu'elle entendait GLaDOS se rire d'elle, elle croisait les circuits. Il lui fallait un deus ex machina pour la sauver.

Tandis qu'Alcaline tentait tant bien que mal de chercher une issue du regard, issue que je jamais elle ne trouva, une occasion un peu spéciale se présenta devant elle. L'ours en peluche venait de lui demander de chanter. Alcaline se disait que si sa prestation était assez bonne, elle pourrait survivre à cette rencontre. Cependant, la nervosité la faisait trembler, et elle mit du temps avant de fournir une réponse. Et plus le temps passait, plus elle craignait de le décevoir. Puis elle se remémora les paroles réconfortantes de la tourelle opéra, sa douce voix de cantatrice métallique. Alcaline ne manquait aucun de ses cours, trop d'admiration pour manquer de respect à une personnalité aussi charismatique et généreuse.

Ces paroles redonnèrent du courage à Alcaline, dont le bégaiement ne cessa pas, mais se réduisit nettement, tandis que ses tremblements commençaient à s'atténuer.

"Chanter... Ou-oui! Je vais ch-chanter! Laissez-moi me préparer... S'il vous plaît."

Alcaline recula un peu, et ferma l’œil. La prestation se devait d'être impressionnante, afin de maximiser ses chances de survie. Elle repassa son répertoire, les chansons que la Tourelle Opera avait apprises à ses fidèles cantatrices, afin de trouver une chanson qu'elle maîtrisait plutôt bien, et qui ferait bonne impression. De toutes celles qu'elles avaient apprise, une se démarquait parmi toutes. C'était celle qu'elle chantait le plus, car c'était la chanson de marque, la fierté, la plus belle oeuvre de la Tourelle Opera.

Le robot timide recula à nouveau, l’œil toujours fermé, déployant lentement et calmement ses canons, rouvrit doucement son oeil, et commença la mélodie...


Sa voix n'avait pas autant de puissance que celle de la Tourelle Opéra, et le fait qu'elle soit solo réduisait le nombre d'instruments possiblement joués, mais elle tendait du mieux qu'elle pouvait à se rapprocher de la chanson originale, tandis que ses canons se rétractaient et se déployaient au rythme de la musique.

Lorsqu'elle eut fini, elle regarda timidement celui à qui elle avait chanté, l’œil cependant plein d'espoirs.

"C'était C-Cara Mia, m-monsieur... J'espère que ça vous a... Que ça vous a plu, parce-parce que je ne suis pas très expérimentée et... Et... ... Je suis désolée..."

C'était désormais l'heure du jugement. Allait-elle recevoir une sentence ou une récompense? Alcaline n'osait plus bouger, fixant l'ours, toute apeurée et craintive.

La surprise d'Alcaline était aussi grande que sa réjouissance, à la réponse de l'ours. Ce dernier avait commencé à réfléchir comme un vrai juge, mais sa mine indiquait à Alcaline qu'elle avait raison d'avoir de l'espoir. Lorsqu'il eut approché sa main d'elle, elle eut un réflexe de recul, car douteuse des ambitions de son interlocuteur, mais lorsque la réponse fut déclarée, elle se sentit pousser des ailes. A vrai dire, Alcaline n'avait jamais eu de public, sauf une fois où elle s'était incrustée sur scène, et malgré la gêne qu'elle avait ressenti ce jour là, être applaudie et acclamée, qu'on lui exprime de la reconnaissance pour ce qu'elle avait accompli, cela lui avait procuré des sensations que jamais elle n'avait soupçonné un robot capable de ressentir, une fierté, une adrénaline particulière, et une envie de recommencer. En termes humains, cela peut-être plus ou moins traduit par du plaisir, mais il ne faut pas perdre de vue que ça reste assez différent.

Tout cela pour dire que lorsque la proposition fut faite, Alcaline se souvint de cette expérience, et malgré la peur et l'angoisse, sentait la tourelle Opéra l'encourager. Son œil illuminé se tourna vers le personnage qui lui avait tendu la perche, pour lui exprimer son enthousiasme.

"Chanter devant un public qui m'aime... J'en serais tellement fière, je vous suis tellement reconnaissante! Je... Je vous suis!"

Puis elle se rappela également de ses problèmes de fugue, et son ton devint un peu plus timide.

"Et... Euh... Y-y aurait-il moyen de me... Me loger... De... De... De manière non officielle?"